Reconquista by night
"Petite" ville d'environ 70 000 âmes, de la province de Santa Fé située au Nord-Est de l'Argentine à moins de 800 kilomètres de Buenos Aires, où il fait bon vivre, et rien de spectaculaire à visiter. Seulement l'air qui se déplace à la vitesse des habitants, c'est à dire doucement, à pas feutrés, histoire de ne pas perdre la moindre miette de vie.
Après un long voyage, 11 heures de bus, dont une partie passée à dormir, nous arrivons en assez bonne forme à la gare routière de Reconquista. Elle est située en pleine ville et à cette heure avancée de la nuit, 1h00 du matin, il y a encore quelques trainards qui zonent autour de l'édifice. Nous sommes sous les tropiques, et les petites grenouilles invisibles sont les témoins de notre arrivée. C'est vrai qu'il faut les chercher pour les trouver ces bestioles tant elles sont petites, mais Ô combien utiles ces mangeuses de moustiques et autres insectes du même genre.
Nous sommes attendus par Negro. La cinquantaine bien portante, sec comme un coureur de fond, bronzé et naturellement bien mis. Embrassades fraternelles avec Cédric et poignée de main ferme de "Macho" accompagnée d'un sourire franc pour moi. Il s'inquiète de savoir si nous avons fait bon voyage, si nous avons soif et faim, tout cela en se dirigeant vers son Pick-Up Toyota dans lequel nous chargeons nos bagages.
Décalage horaire et confortés par quelques heures de repos forcé, notre désir penche pour une bière fraiche. A cette heure tardive, et une température douce, Negro nous conduit au bowling, situé à une poignée de minutes. Il s'agit d'un endroit pour "d'jeunes" avec musique "Latino Lovers" fortement teintée de basse. C'est assez spacieux, bien tenu et l'on peut manger et boire sans se ruiner. Des serveuses aimables, quelques clients insomniaques ou au lendemain sans boulot, occupent l'établissement. La tête un peu bousculée, j'avale les images du moment. Je n'ai pas encore la langue Espagnol dans l'oreille et compte tenu de l'heure et de la fatigue, le courage pour tenter de comprendre, me fait défaut. La conversation animée entre mes compagnons de table ne me gêne absolument pas. Malgré cette désynchronisation, je me sens bien dans cet endroit. Les bières et les petits sandwichs arrivent, et je suis impressionné par les 73 centilitres de la bouteille individuelle. La marque Quilmès va très rapidement devenir ma préférée pour sa légèreté, du genre de la bière blanche "Hoegaarden" pour les profanes.
Mais il se fait tard, et la fatigue nous commande d'interrompre cette petite réunion tardive pour nous diriger ver le pick-up de l'ami Negro. Sa rutilante caisse est garée devant le bowling, et en route vers notre hôtel, Los Tilos. D'après ce que j'ai pu comprendre des explications de Negro, Le 'tilos' représente une plante curative avec laquelle les gens du coin font des tisanes.
Les bagnoles 
Ici, le "pick-up" est le véhicule par excellence. Peut importe son âge, on en prend soin, car ils sont couteux et indispensables. Cet engin vous balade, transporte des matériaux et des matériels. Mais bon, compte tenu de son prix, l'affaire n'est pas à la portée de tous. Les Renault R12, Fuego y compris, la Citroën 2 CV, et même la Renault 4L, tournent encore et se vendent dans les garages proposant des occasions. Elles sont bichonnées, "customisées" sans ostentation débordante, bref maintenues par des mécanos doués. Je crois même que certaines pièces de rechange introuvables, sont refaites sur place. Le consumérisme n'est pas encore pris racine à Reconquista. Non pas que les gens vivent exclusivement avec du matos de récupération, loin de moi cette idée, mais ici on a toujours la valeur des objets durement acquis.